Existe-t-il des vies lointaines et troubles qui ressurgissent , rivières souterraines serpentant de la source de notre inconscient vers le delta de notre conscient ?
Je me souviens toujours précisément de la première nuit où Sarah m’a rendu visite. Elle a surgi au détour d’un rêve, remplie de lumière et d’angoisse, prisonnière des méandres d’une guerre cruelle et meurtrière, serrant dans sa main celle si ténue de sa jeune sœur. Elle était moi et j’étais elle, si profondément, si distinctement. Cette rencontre me laissa alors très perplexe, une part de moi comme en suspension dans le temps et l’espace, essayant en vain de réunir tous les fragments de mon existence qui m’était apparue soudain, bien plus vaste que la surface de cette vie même.

Huile sur toile.
Sarah s’est peu à peu endormie au plus profond de mon être, d’un sommeil diffus, remontant de loin en loin comme une légère bouffée d’air, teintant d’argent et de courage des nappes vaporeuses de mon vécu. L’année dernière, une quinzaine d’années après sa première visite, elle s’est soudainement glissée avec force et volonté sous les assauts de mon couteau de peintre, s’imposant dans la masse d’une pâte sensuelle que je destinais pourtant à un envol abstrait de matière. Sous mes yeux voilés par une émotion sans nom, Sarah a dessiné un chemin de lumière, sa main sans limite élevée avec douceur vers un destin nouveau, échappant à tout jamais à une mort dont la violence avait déraciné jusqu’au souvenir même. Dans son pas, une toute jeune fille, accrochée tel un moineau gracile à sa main solide, foulait une contrée inconnue…
Ce jour là, j’ai regardé s’éloigner Sarah au fond de moi. En « l’extériorisant », j’acceptais de l’endormir consciemment aux confins de mon territoire, la remerciant pour les dons et les présents qu’elle m’offrait depuis toujours. Grâce à elle, j’affirmais avant tout cette vie présente, dans l’ici et maintenant, consciente de toutes les chances et richesses qui y abondaient. Je lui dédie toutes mes œuvres les plus joyeuses et les plus colorées…

Huile sur toile

Huile sur toile.
Il est difficile de commenter un texte aussi personnel, mais merci pour l’émotion, elle ouvre certaines portes, qui grincent encore.
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Une porte entrouverte est toujours l’opportunité que la vie nous offre, de régler ce qui demande à l’être. Il serait vain de vouloir la fermer sans accomplir ce que notre âme envisage !
Merci pour ce courageux commentaire.
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